Tu en as rien à foutre de Rien à foutre ? Tu as tort et on t’explique pourquoi !

En regardant la programmation du Plaza la semaine passée, nous avons eu une jolie surprise, celle de nous rendre compte que Rien à foutre était encore en salle pour quelque temps, savoir qu’un tout petit film avec un si petit budget avait le droit à une exploitation en salle prolongée nous a emplie de joie. 

Alors, « Rien à foutre », Adèle Exarchopoulos, une sélection au festival de Cannes à la semaine de la critique : dans le microcosme cinéphile, il en faut parfois peu pour déclencher une belle hype des familles ! La preuve c’est que le film a pu multiplier les avants premières dans des salles combles et qu’il a déjà rassemblé plus de 200 000 spectateurs. Pour un film avec un casting presque exclusivement composé de comédiens non professionnels avec un si petit budget, c’est un score plutôt honorable. 

Mais donc, si ce titre qui en jette un max ainsi que la présence d’Adèle Exarchopoulos ne suffisent pas à vous donner envie d’aller le voir, pourquoi y aller ? Et puis déjà de quoi ça parle ? 

Il est question de Cassandre, qui après la mort de sa mère dans un accident de voiture quitte Huy pour devenir hôtesse de l’air dans une compagnie low cost. Incapable de se projeter dans le futur, elle vit au jour le jour entre son travail, la vie commune avec le personnel en escale, les nuits en boîte, les rencontres de passage à travers les réseaux sociaux. 

Ce film tourné en plusieurs bloc en raison du confinement et à la genèse quelque peu décousue nous transmet une rage de vivre rare, il s’agit d’une poésie tragi-comique peu commune entre la Wallonie, l’Espagne et les Emirats Arabes Unis. 

Ce qui ressort de ce film, c’est un optimisme doucement amer. Cassandre ressemble à beaucoup d’entre nous, elle est paumée, dépassée (par son job, par les réseaux…) mais conserve une vitalité et une fascination pour le beau intactes. Peu importe que vous partagiez sa sensibilité, l’idée que l’on puisse trouver du beau partout est exaltante, c’est un de ces films qui fait du bien. 

Comme il s’agit d’un film se déroulant dans l’univers des compagnies low cost, on pourrait s’attendre à un film social, un film qui dénonce. Ce n’est pas du tout l’angle du film. Il n’a pas d’autre prétention que celle de nous montrer la vie de ces hôtesses de l’air, sans complaisance avec le milieu mais sans misérabilisme. Ce film à la pudeur de ne pas alourdir son propos. En ça il est comparable à Nomadland (Oscar 2021 : meilleur film, meilleur réalisation, meilleure actrice). L’héroïne enchaîne les petits métiers pénibles notamment chez Amazon mais le récit, sans édulcoré cela ne s’attarde pas dessus. Et cela est finalement appréciable car qui aujourd’hui à besoin qu’on lui répète que les travailleurs et les travailleuses des hangars d’Amazon ou des compagnies low cost sont honteusement exploité(e)s ? Des vrais bons films sociaux attaquant au vitriol le grand patronat, il y en a et c’est tant mieux mais ici il s’agit simplement du récit de l’une de ces travailleuses. Prendre le temps de filmer et de raconter la vie de ces gens, c’est important. Les employés d’Amazon, les hôtesses de l’air des compagnies low-cost ne sont pas seulement des personnes à plaindre, à défendre, elles sont aussi des personnes dont on peut, simplement, raconter le quotidien. 

Et même si le film n’alourdit pas son récit en multipliant le pathos, il distille ça et là bon nombres d’informations nous permettant d’entrer en empathie avec ces travailleurs et ces travailleuses et n’oublie donc pas de rappeler aux esprits les moins avertis que les conditions dans lesquelles travaillent ces gens sont insupportables, intolérables. Arriver à rendre compte de cela en quelques scènes dans un film aussi doux et poétique n’était pourtant pas forcément aisé. 

Ce film à la production originale, puisqu’il a été écrit, tourné en partie puis réécrit, est épatant par son naturalisme. Beaucoup de scènes et de dialogues sont improvisés mais du coup il est vrai que parfois, la caméra à tendance à rester longtemps immobile mais c’est pa ce qu’Adèle Exarchopoulos et Alexandre Perrier restaient en jeu même en dehors des prises afin de nourrir leur complicité fille-père dans le film. L’une de leur conversation à donc été spontanément filmée, à l’improviste, l’échange entre les deux n’en demeure pas moins très émouvant.  Des aventures d’un soir un peu nulles aux spectacles aquatiques à Dubaï où les spectateurs sont tous masqués et ne peuvent pas bouger de leur tout petit périmètre définit par des marques au sol, à bien des moments il est possible que vous trouviez les situations dans lesquelles se retrouve Cassandre plutôt pénibles et pourtant, elle, garde un émerveillement qui en devient communicatif. Adèle Exarchopoulos qui sourit en regardant le ciel à la manière d’Emma Stone à la fin de Birdman, rien que ça, c’est suffisamment génial pour rester une heure et demi dans une salle plongée dans le noir.

🖌 : Siilen Dig

Author

Author: Barnabé Batisse

Cinéphile furtif

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