
Une bibliothécaire ayant du mal à contenir ses pulsions, un policier porté sur la boisson, un mort qui remarche, une contrôleuse de bus aussi délicate qu’un canon anti aérien, un écrivain raté persuadé d’être un génie et une fièvre qui n’en finit plus de ne pas baisser, voilà à peu près de quoi il est question dans Petrov’s Flu, le dernier film de Kirill Serebrennikov, une zinzinerie en pleine Russie.
“Souffrant d’une grippe intense, Petrov est entraîné par son ami Igor dans une longue déambulation alcoolisée, à la lisière entre le rêve et la réalité. Progressivement, les souvenirs d’enfance de Petrov ressurgissent et se confondent avec le présent…”
Intriguée par le programme de cette fièvre de Petrov, l’équipe d’Univers est allée directement en prendre la température au Plaza Art, à Mons.
De prime abord, 2h25 d’errance dans les rues froides et grises de la Russie post-soviétique, on est d’accord, ça ne fait pas rêver tout le monde et soyons honnête, Petrov’s Flu est moins enthousiasmant que son prédécesseur, Leto, qui nous racontait l’émergence de la scène rock russe pendant la période de la perestroïka.
Le récit décousu de Petrov’s Flu est épuisant et un deuxième visionnage n’a pas été de trop. Il s’agit d’une proposition radicale, tantôt glaçante, tantôt hilarante, constamment surprenante.
La mise en scène est survoltée, la caméra est en constant mouvement, les jeux de décors perdent le spectateur, nous avons là un pur film de style, techniquement assez impressionnant. Le film détonne entre moments graves et loufoques, passant du suicide aux chants de Noël, de la maladie aux moments de joie, sans oublier un surprenant coït en bibliothèque entre lectures et club de poésie.
Kirill Serebrennikov fait partie de ces nombreux artistes opposés à Poutine. Il a été condamné via des procès que l’opposition russe dénonce comme arbitraux à de la prison avec sursis et à une assignation à résidence, ce qui l’a empêché de venir monter les marches à Cannes lors de ses deux premières sélections dans le plus prestigieux festival du monde. Alors qu’il a enfin pu quitter la Russie il y a quelques mois grâce à une remise de peine inattendue, la nouvelle a eu l’effet d’une bombe dans le petit monde du cinéma : Kirill Serebrennikov va bel et bien se rendre à Cannes où son film Tchaikovsky’s Wife est sélectionné en compétition officielle. L’actualité dramatique à l’Est de l’Europe a laissé supposer que les membres du jury seraient à même de primer un film russe ou ukrainien. Le film de Kirill Serebrennikov sera donc l’un des plus attendus sur la Croisette, peut-être plus encore que ceux des “grands noms” comme David Cronenberg, James Gray ou Baz Luhrmann et chez Univers, on a très hâte. D’ailleurs on vous prépare un article sur le Festival de Cannes, ça arrive dans les prochains jours !
✍️ : Barnabé Batisse et Violette Larcin
🖌 : Siilen Dig