Rétrospective sur l’un des Doctorat Honoris Causa de l’année 2022 : Pourquoi vous devez lire Chimamanda Ngozi Adichie

À l’occasion de la cérémonie de remise des Honoris Causa 2023 il y a quelques jours, revenons ensemble sur l’une des personnalités qui a été choisie par l’UCLouvain pour reçevoir l’un des 3 Doctorat Honoris Causa de l’année 2022 : Chimamanda Ngozi Adichie.

Ce nom vous dit sûrement quelque chose et c’est peut-être parce que vous l’avez déjà entendu en featuring sur l’un des tracks de Beyoncé qui comptabilise presque 100M de vues, mais Chimamanda Ngozi Adichie est surtout une écrivaine reconnue et une référence incontournable de la littérature africaine et féministe moderne.

Dans cette Chronique sur l’autrice de plusieurs œuvres prisées par le public et la critique, nous vous expliquons en quelques points pourquoi il faut lire Chimamanda Ngozi Adichie. 

“Les tyrans continuent de régner parce que les faibles n’ont pas la force de résister.”

L’hibiscus pourpre (2003) de Chimamanda Ngozi Adichie


Entre le Nigeria et l’Amérique, le parcours de Chimamanda Ngozi Adichie se transcrit dans la découverte de son identité en tant que femme mais également en tant que femme de couleur.

Inspirée mais surtout interpellée par ses expériences, elle écrira d’abord “L’hibiscus pourpre” (2003), un roman dont l’histoire se passe au Nigeria et où Adichie y explore des thèmes tels que la violence domestique, tout ça dans le contexte économique et politique instable du pays. 

Ce premier romain, critiquement acclamé, va donner la place à plusieurs autres tels que “L’autre moitié du soleil” (2006), “Autour de ton cou” (2009) et Americanah (2013).

Chimamanda Ngozi Adichie est ainsi devenue l’une des autrices phares de notre génération, acclamée par la critique mais surtout par son public lecteur qui se retrouve dans ces histoires. En effet, elle raconte les expériences du genre et du racisme mais surtout elle raconte les histoires de jeunes filles qui, comme elle, évoluent dans un monde où leur place est constamment remise en question. 

Entre 2 identités

Je suis nigériane parce que l’homme blanc a créé le Nigeria et m’a donné cette identité. Je suis noire parce que l’homme blanc a construit la notion de noir pour la rendre la plus différente possible de son blanc à lui.
Mais j’étais igbo avant l’arrivée de l’homme blanc.”

L’autre moitié du soleil (2006) de Chimamanda Ngozi Adichie

Après avoir fait ses études en Amérique, Adichie nous raconte les histoires de son arrivée. 

Elle écrit qu’avant d’arriver en Amérique, elle ne s’identifie pas comme “noire”, à travers sa couleur de peau mais plutôt par ses origines ethniques et sa religion. Et en fait, le passage de la culture nigériane à celle américaine ne se passe pas sans une transformation de l’identité. Les gens qui nous entourent sont différents et surtout ils nous voient de manière différente. Ils voient la couleur ou plutôt sa différence avant de voir la personne. C’est un vécu qui marque beaucoup une personne. 

C’est ainsi qu’en 2008, Adichie reçoit son master en “Etudes africaines” de l’Université de Yale. Pour elle, il est important de connaître son histoire, ses origines pour mieux se connaître, se définir. Avant d’être noire, Adichie est igbo. 

L’expérience des jeunes issues d’une deuxième génération d’immigration est quelque chose qui s’y apparente. Les jeunes de la “troisième culture” est un terme utilisé pour décrire celles et ceux qui ont grandi dans une culture différente de celles de leurs parents et sont exposés quotidiennement à 2 mondes avec une routine différente. Leur expérience culturelle est fondamentalement différente et unique dans le sens où celle-ci ne se rapporte pas à l’expérience de ceux du pays dans lesquels ils ont grandi ni du pays dont leur famille est originaire. Ceux-ci se retrouvent donc à jongler entre 2 identités différentes, dans un espace vide entre 2 opposés polaires. Et cet espace, c’est là où se développe la 3ème culture, le résultat de leur expérience unique fortement liée à leur caractéristiques sociales tels que le genre, les origines et la classe sociale dans laquelle elles et ils évoluent.

Ce thème de la 3ème culture est développé par Adichie dans son œuvre Americanah (2013) où du point de vue du personnage principal, elle nous fait découvrir certaines expériences vécues par les immigré•es africain•es en Amérique mais aussi sur les afro-américain•es. 

“Americanah”, c’est un terme utilisé au Nigeria pour décrire un•e Nigérien•e qui a un comportement différent quand elle•il revient des Etats-Unis. Celle•Celui-ci a un accent différent, un style différent et un style de vie différent. 

Adichie raconte l’expérience du retour au bercail mais également celle du changement et de l’évolution, autant sur une personne que sur un pays. 

C’est dans cette démarche de recherche de soi que “Americanah” (2013) a été écrit. 

L’importance de l’expérience

“Nous devrions tous être féministes”

– de Chimamanda Ngozi Adichie, 2014

Quand Adichie choisit de commencer l’un de ses Essais ainsi, elle ne nous pose pas une question à laquelle elle répond dans un défilé d’arguments quantitatifs.

Ce n’est pas “Pourquoi devrions nous tous être féministes ?”, ou “Je pense qu’on devrait tous être féministes”

En effet, par ce titre, elle ne fait pas une proposition mais une déclaration, une réponse mais surtout une observation. 

L’affirmation “Nous devrions tous être féministes” n’est pas questionnable. En fait, c’est surtout une évidence.

Extrait : 

“Okuloma m’a regardé et m’a dit “Tu sais, tu es une féministe.” Ce n’était pas un compliment. Je le sentais au ton de sa voix, le même ton qu’il aurait utilisé pour dire quelque chose comme : “Tu es une partisane du terrorisme”.”

– Chimamanda Ngozi Adichie, Nous devrions tous être féministes” (2014)

Dans le début de ses écrits, Adichie nous raconte son expérience en tant que jeune fille au Nigeria. Des remarques sexistes, de la pression du mariage, du patriarcat et de la violence faite aux femmes, à travers chacune de ses œuvres, Adichie décrit une expérience qui est intimement liée à celle de son genre, sa couleur, son contexte politique. Elle parle pour toutes les jeunes filles qui ont foulé le même chemin qu’elle. En nous partageant son histoire, elle nous fait comprendre l’importance de l’expérience, à quel point il est important qu’on la raconte et qu’on l’écoute surtout. 

Son père étant professeur, Adichie grandit sur un campus entouré d’académiciens et se démarque du reste de ses camarades dès son plus jeune âge. Pourtant, il ne lui échappe pas que le comportement vis-à-vis d’elle est différent de celui destiné aux autres de ses camarades masculins. De l’enfance jusqu’à l’âge adulte, Adichie décrit toutes les expériences et les histoires qui l’atteignent elle ou les autres femmes qui l’entourent.

“Nous devrions tous être féministes” (2014) est une introduction imparable à la pensée de Adichie. C’est par la narration que Adichie touche ses lecteur•rices. Elle ne décrit pas une liste en point A, point B, etc sur pourquoi le féminisme est une évidence pour elle. Non, elle raconte une expérience qui est vraie, qui est dure mais surtout qui est injuste. 

C’est par le biais d’anecdotes, d’histoires courtes et d’occasionnelles remarques sarcastiques qu’elle fait ressentir à ses lecteur•rices le fond de son raisonement.

Et à la fin, on se rend compte par nous-mêmes que “Nous devrions tous être féministes”, parce qu’au final, ça avantage tout le monde. 

C’est le “storytelling” de Adichie qui  fait le charme de son écriture. En amenant une vision authentique de sa réalité, elle contribue à rendre le monde plus grand, plus ouvert et surtout plus juste. 

“Je crois que la littérature a beaucoup d’importance. Je crois qu’elle compte avant tout parce qu’elle nous rappelle que les autres sont humains.”

– Chimamanda Ngozi Adichie, (Mollat, 2015)

Chimamanda Ngozi Adichie nous aide à comprendre une approche qui passe par la compréhension de ses différences. Par sa lecture, on comprend que toutes les expériences ne sont pas égales et qu’une solution identique pour tou•tes ne suffit pas. Dans son écriture et la narration crue et pure de son expérience unique, nous comprenons qu’il faut avant tout écouter les autres et leurs histoires pour mieux les comprendre et évoluer vers un avenir plus juste. 

Pour écouter son essai “Nous devrions tous être féministes”, c’est ici.

Pour écouter son interview avec la librairie Mollat sur son livre  “Americanah”(2013), c’est ici.

Pour en découvrir plus sur Chimamanda Ngozi Adichie en tant que Doctorante Honoris Causa UCL 2022, c’est ici, et ici, ainsi que ici.

©

✍️ journaliste : Siilen Dig

✍️ supervision rédactionnelle, relecture et correction : Violette Larcin

🎨 graphiste : Siilen Dig 

🎨 supervision graphique et autrice de l’identité visuelle d’Univers : Siilen Dig

📸 photographe/source image•s : ©gallimard

Author

  • Siilen Dig

    @siilendig a 20 ans et est étudiante en BAC2 en Sciences Politiques. Intéressée par les actualités et les questions sociales, Siilen a tout naturellement décidé de se lancer dans l'Aventure d'Univers. Siilen occupe donc les fonctions de graphiste et de responsable réseaux sociaux au sein de notre journal étudiant !

Author: Siilen Dig

@siilendig a 20 ans et est étudiante en BAC2 en Sciences Politiques. Intéressée par les actualités et les questions sociales, Siilen a tout naturellement décidé de se lancer dans l'Aventure d'Univers. Siilen occupe donc les fonctions de graphiste et de responsable réseaux sociaux au sein de notre journal étudiant !

Warning: Trying to access array offset on value of type null in E:\univers-campusfucam\wp-includes\wp-db.php on line 2735

Leave a Reply

Your email address will not be published.